BOB BURNS QUITTE LA ROUTE !

Été 1964. Il fait chaud. La Floride n’a jamais été réputée pour sa fraîcheur et le soleil cogne dur. Mais le jeune Bob Burns s’en fout ; il est heureux et la vie ne s’annonce pas si mal. Le mec qui lui devait de l’argent n’a pas pu le rembourser mais il lui a donné un set de batterie à la place et c’est tant mieux. Bob aime bien marteler les peaux tendues avec les baguettes qu’il tient fermement dans ses mains serrées. On dirait que cet instrument a été fait pour lui. D’ailleurs, son copain d’école Gary Rossington trouve qu’il se débrouille plutôt bien et qu’il a le rythme dans le sang. Le même Gary, après avoir tapoté sur la batterie de son pote, s’est orienté vers la guitare. Il a réussi à économiser et vient de s’en payer une. Tous les deux, ils répètent dans le garage des parents de Bob.

Pour le moment, ils sont assis dans l’herbe et assistent à un match de baseball. La musique, c’est chouette mais on ne plaisante pas avec le baseball. Ils regardent avec une admiration mêlée d’envie le joueur qui s’apprête à lancer. C’est Ronnie Van Zant, un grand, un dur, un bagarreur ; presque une légende. Bob se lève pour mieux voir. Attention, c’est parti ! Et BAM ! Le noir total !

La balle, lancée avec une force incroyable, a percuté la tête du jeune Bob qui gît maintenant par terre, complètement assommé. Heureusement, il y a plus de peur que de mal et les trois mômes deviennent rapidement amis. La suite, on la connaît. L’aventure Lynyrd Skynyrd est lancée.

Bob Burns y participera de 1964 à 1974. Avec ses cheveux longs, il contribuera à l’ulcère de Leonard Skinner, le prof de gym. Il connaitra l’enfer de Hell House, la cabane planquée au fond des bois qui sert de local de répétition au groupe. Il se fera braquer par Ronnie Van Zant pour avoir refusé de jouer un morceau (après des heures éreintantes de répétition, Ronnie ordonne que le groupe joue quelques titres pour des potes qui viennent d’arriver. Devant le refus catégorique de Bob, Ronnie sort un flingue et menace de lui faire sauter la cervelle s’il ne se met pas derrière ses fûts). Il subira la fatigue et la pression des tournées incessantes (avec, en plus, une fiancée enceinte qui l’attend au pays) et quittera le groupe en 1974 pour sauvegarder sa santé physique et mentale (Ronnie Van Zant écrira d’ailleurs « Am I losin’ ? » suite à son départ).

Mais surtout, il participera à l’enregistrement des deux premiers disques de Lynyrd Skynyrd, ces deux albums mythiques, ces deux galettes de cire noires comme l’enfer et lourdes de menaces. Il saura trouver le bon groove pour « Gimme three steps ». Il frappera ses peaux avec un mélange de hargne et de dextérité tout en faisant rouler sa caisse claire sur l’envolée de « Free bird ». Il accompagnera le solo à la tierce de « Simple man » à son paroxysme. Il tapera avec efficacité sur « Swamp music » et il donnera à « Sweet home Alabama » son tempo si reconnaissable. Il enregistrera même, avant de partir, la batterie hypnotique et inquiétante de « Saturday night special ».

Avec un autre batteur, ces titres auraient-ils eu le même impact ? On est en droit de se poser la question.

Bob Burns reverra les survivants du groupe en 2006 pour l’introduction de Lynyrd Skynyrd au Rock n’ Roll Hall of Fame et il continuera de jouer sur scène plus ou moins régulièrement.

3 avril 2015, Floride. Lynyrd Skynyrd joue à Jacksonville. Gary Rossington en profite pour faire une promenade en famille au cimetière communal, histoire de se recueillir sur les tombes des victimes de l’accident d’avion et sur celle de ses parents. Sur le chemin du retour, il passe devant la vieille maison des Burns. Son cœur se serre en voyant le garage où ils répétaient quand ils étaient jeunes. Ça fait si longtemps.

3 avril 2015, Géorgie. Bob Burns vient de sortir de scène ; le show n’était pas mauvais. Et puis, quel plaisir de taper sur cette batterie. Tout en conduisant, il repense au passé. Heureusement que ce type n’a pas pu lui rendre son fric en 1964 sinon il n’aurait peut-être jamais connu le bonheur de jouer. Et merci au baseball sans qui il n’aurait peut-être jamais rencontré Ronnie Van Zant. Les pensées défilent, nostalgiques. C’est si loin tout ça.

Si seulement il ne pleuvait pas si fort.

Sans prévenir, la voiture quitte la route, heurte une boite aux lettres et percute un arbre de plein fouet. Bob Burns n’avait pas mis sa ceinture de sécurité. Il avait soixante quatre ans.

Il rejoint ainsi le panthéon des anciens membres de Lynyrd Skynyrd victimes de mort violente. Il appartient désormais à la légende.

« Oak tree, you’re in my way ! »

Olivier Aubry

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